Architectes d'une pratique musicale

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Architectes d'une pratique musicale

Lorsque la mandoline n'est pas apprise au couvent ou au collège, il faut avoir recours à l'initiative d'un réseau de professeurs privés qui s'affiche abondamment dans les journaux. Les manifestations publiques des enseignants avec leurs étudiants sont nombreuses. Ils se produisent dans des salons privés d’associations, à la kermesse du village ou lors des entractes de pièces de théâtre.

A. C. Lachance, professeur à l’Institut Mont St-Louis et au Collège Ste-Marie, guitariste et mandoliniste, à peu près sans égal, inculqua le goût nouveau parmi la jeunesse. Des clubs surgirent, sous habile direction, un peu partout, au hasard de la société et des couvents qui réclamaient les leçons du professeur Lachance. En maintes circonstances, il s’est prodigué pour les concerts de charité, car son zèle est infatigable. Ses élèves sont très connus et un grand nombre lui font honneur
— Le Passe-Temps 7 décembre 1901
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Professeur A.C. Lachance (BAnQ)

Tout jeune encore, il s’est créé, depuis plusieurs années, une situation enviable dans le monde des musiciens de Montréal. Nous nous souvenons des succès passés, pour ne pas parler des succès actuels de ses élèves, qui ont fait les frais de tant de concerts. Il a horreur de la banalité, et les instruments qu’il enseigne sont loin d’être banals. C’est la guitare qui nous fait penser à des sérénades andalouses dans la douceur des nuits de juin, et la mandoline, dont les notes mièvres évoquent en nos âmes des pas d’arlequin et des colombinades, à travers le tohu-bohu d’un carnaval napolitain. D’aussi poétiques visions, infailliblement provoquées par ces instruments exotiques avant tout, devaient certes attirer les âmes jeunes, vibrantes d’enthousiasme pour les choses fraîches, les fleurs, les éclats de rire, les jeunes amours, le coloris l’emportant sur la nuance.
— Le Passe-Temps, 7 décembre 1901
 

Signor Camillo D’Alessio (BAnQ)

L’École napolitaine à Montréal

Camillo d’Alessio, né en Italie en 1869, est mandoliniste, violoniste, compositeur et chef d'orchestre. Il commence ses études musicales au Collège Royal de Naples et fait carrière en Égypte, en Grèce puis en Angleterre où il a donné plus de 100 concerts avant d'immigrer au Canada en 1904. Il s'implique activement dans la communauté montréalaise, compose plusieurs musiques et fonde son orchestre de mandoline "Estudiantina”. Il émigre aux États-Unis en 1915. Le Signor Camillo d'Alessio est sans doute le plus éblouissant mandoliniste qui ait visité le Canada.

Nous nous sommes félicité d’avoir accepté sa gracieuse invitation: c’était la première fois que nous avions la bonne fortune d’entendre un orchestre de ce genre, C’était charmant, et, nous pouvons, dire, avec le Daily Post de Birmingham et le Daily Mail: « Nous n’avions jamais entendu pareille musique ! » Mr d’Alessio a une solide réputation de musicien: sa dextérité est merveilleuse et son orchestration, superbe! Cet orchestre est composé de premières et secondes mandolines, de guitares, mandola, violoncelle et mandolone. Mr d’Alessio nous a, ensuite, montré son répertoire et plusieurs de ses compositions: il y a, entre autres, de nombreux pots pourri, extraits d’opéras français, italiens, anglais, allemands; des Ouvertures, des mélodies, etc. Il nous fit voir un album contenant des articles, découpés de journaux français, anglais et italiens, fort élogieux à son égard. Nous lui souhaitons tout le succès qu’il mérite; et, pour terminer, nous émettons, le désir que son orchestre soit complété par des dames (c’est un si charmant coup-d’oeil que des fraîches toilettes de femmes sur un Théâtre! )
— Le Passe-Temps, 9 septembre 1905
 

Entrepreneurs virtuoses

Septuor Gibson LEVERT (BAnQ)

John Jules Levert, né en 1867, est mandoliniste, banjoïste et chef d’orchestre. À partir de 1898, le musicien entrepreneur, diplômé du conservatoire de New York, réalise la distribution d’un nouveau type d’instrument commercialisé par la compagnie Gibson.

Les mandolines et guitares Gibson qui sont scientifiquement construites sur le principe du violon, la plus à jour, de qualité musicale la plus riche, de la plus belle conception artistique, une révélation pour les mandolinistes et guitaristes, utilisés par tous les grands artistes. Pour les termes descriptifs des catalogues, etc. s’adresser au mandataire exclusif pour Montréal et les environs. J.J. LEVERT, 352 St. Catherine West
— The Standard, 1 octobre 1910

George Alfred Peate, né à New York en 1880, est virtuose de la mandoline. Homme d’affaires, il ouvre un magasin de musique à Montréal en 1899 et publie des méthodes éducatives qui sont vendues dans le monde entier. Le magasin évolue de père en fils jusqu’en 1990 et Peate Musical Supplies est l’un des plus anciens distributeurs d'instruments de musique en Amérique du Nord.

Orchestre M.A.A.A dir G.A. Peate (BAnQ)

 

La Marche des Mandolines par J.Pietrapertosa est dédié au professeur Lachance de Montréal en 1901 (BnF)


Sites Internet

J.E. Bélair (1895-), Le Passe-Temps

https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2272562

www.thecanadianencyclopedia.ca

www.banq.qc.ca

Lectures

SPARKS, P. (1995) The Classical Mandolin, BÉLANGER, R. (1986) Wilfrid Laurier, quand la politique devient passion, SAINT-JACQUES D. et DES RIVIÈRES M.J. (2015) De la belle époque à la crise, BORDES E. (1980) Le Mémorial du Québec, le Québec 1839-1889, AMTMANN, W. (1976) La musique au Québec 1600 - 1875, LINTEAU, P.-A. (1997). Quelle Belle Époque? Cap-aux-Diamants, COTÉ, C. (1990). Les racines de la musique populaire québécoise.